À croquer

Le canard au sang, un monument cinglant !

Ca faisait un bout de temps que mes parents voulaient m’emmener à La Couronne. En plein coeur de Rouen, place du Vieux Marché précisément, l’imposante façade de la plus vieille auberge de France tient tête à ce qu’il reste du bûcher de Jeanne d’Arc. C’est à dire rien sauf une pancarte.

Aparté de la plus haute importance – si ça ne vous fait pas rire c’est normal. Dans la famille on a un truc avec la Pucelle, ma mère se révolte à chaque fois que quelqu’un prononce son nom « les Anglais sont nos ennemis héréditaires, les salopards nous ont brûlé Jeanne d’Arc !!!!! ». Personnellement, je préfère les blagues douteuses « si vous ne m’avez pas crue, vous m’aurez cuite » ou « si elle avait du diabète ça aurait senti le caramel dans tout Rouen ». La parenthèse Jeanne d’Arc étant refermée, passons au vif du sujet.

Ici la spécialité c’est le canard à la Rouennaise dit canard au sang. Issu de la tradition culinaire française, ce plat ferait bondir plus d’une Brigitte Bardot. Explications : un vrai canard au sang est étouffé et sa carcasse réduite en boullie dans une presse pour extraire le sang. Sang qui servira à faire la sauce. Voilà le topo. Bichettes et végétariens s’abstenir.

La presse, objet de torture !

« Je vous présente Louis, votre canard »

Préparation du canard sous nos yeux

La carcasse et les « déchets » sont passés sous la presse pour récupérer le sang

La sauce (sang, Cognac, citron, Porto entre autres) réduit pendant un loooong moment, les aiguillettes sont ajoutées à la fin

1er service : aiguillettes sauce au sang

Trou normand (calvados – sorbet pomme) obligatoire pour faire passer le tout

 2è service : abattis moutardés et panés

Tout commence donc avec les présentations. Ce midi nous faisons la fête à Louis, le canard dévoué à nos papilles. Oui, ils donnent des prénoms aux canards. L’histoire ne dit pas si ils s’appellent tous Louis comme les nénettes des centrales d’appel qui se prénomment toutes Virginie. Bref, enchantée Louis. Ta petite peau dodue déjà marquée me donne envie de te croquer tout cru. Mais tu n’as pas le temps de dire « coin coin » que le maître d’hôtel te découpe sauvagement en morceaux. Il est armé d’un couteau et d’une cuillère, surtout pas de fourchette qui pourrait piquer ta chair. D’un regard un peu voyeur je me délecte de ce spectacle sanguinolent. Une fois ta carcasse passée dans la presse, ton sang coule et se retrouve à réduire sur le feu. Une longue attente commence alors pour nous, les effluves de tes aiguillettes qui cuisent agacent nos envies carnassières. La libération est proche, te voilà dans notre assiette accompagné d’une sauce épaisse et très forte. C’est brut, primitif, puisant, inhabituel mais délicieux. Tu pensais t’échapper mais la torture n’est pas finie. On se sert de tes abattis pour faire des petites bouchées moutardées et panées. Si j’ai adoré la précédente préparation, je n’ai pas vraiment accroché avec cette dernière, sans grand intérêt. Mais tu as été une proie de choix, il faut l’avouer.

A la fin du repas, je m’essuie les lèvres, je range les crocs, et les griffes. Jusqu’à ma prochaine pulsion animale…

La Couronne – 31, place du Vieux Marché à Rouen

Minute info : Le canard au sang est aussi servi à la Tour d’Argent à Paris et là-bas ils donnent des numéros aux bestioles, pas des prénoms !

7 commentaires

  • Milie says:

    C’était la terrible histoire de « Louis la carcasse ». A la fois gore et appétissante.

  • Estelle says:

    je connaissais le canard au sang de la Tour d’Argent, mais pas celui-ci ! Et ça me rappelle un nanard des années 70 qui devrait te plaire : la Grande cuisine ! Des chefs de toute l’Europe se font tuer selon leur spécialités (et Philippe Noiret joue le chef du canard au sang) : http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Grande_cuisine
    enjoy :-)

  • gateau says:

    A signaler également le Canard au Sang en deux services de Philippe Gauvrreau au Pavillon de la Rotonde à Charbonnières

    • Merci Damien de l’info.
      Je ne le savais pas, mais on m’en a parlé suite à ce post. Découpe et presse en salle ? Parce que c’est ce cérémonial qui participe aussi à la grandeur de ce plat !

  • petillot jean francois says:

    Rouen et sa fausse « Couronne » réservée aux bus de touristes japonais merite surtout pour son ordre : http://www.canardiers.asso.fr/lordre à retrouver aux  » 4 saisons » Hotel de Dieppe,place de la gare à rouen, chez Guéret le maître absolu….

  • Châtelin says:

    Ouais ! C’est bon sans plus. C’est surtout le cérémonial qui fait que l’on s’y interresse. Deux services ? Les chinois avec leur canard laqué (encore lui!) vous font manger d’abord la peau en premier service. Et si vous n’avez pas couru à l’Ambassade vous réfugier, il y a un deuxième service où l’on mange la chair. Tout cela pour vous montrer que l’addition sera au moins aussi salée qu’à Guérande. Comme chez feu la mère Poulard où vous avez un gars déguisé en normand qui bat les oeufs. En réalité, on vous met sur la table une mousse d’oeufs battus et juste cuite.J’ai essayé de le faire au mixer mais çà n’a pas marché.

Les commentaires sont fermés.

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